Fiche juridique

Comment les collectivités territoriales peuvent soutenir une agriculture locale respectueuse de l’environnement et du climat ?

Dispositifs juridiques

Le développement de l’alimentation locale peut être source d’aménités positives en terme environnemental et de santé publique si les denrées alimentaires proviennent d’une agriculture plus durable, biologique ou non.

Si le niveau régional fixe la ligne, toutes les CT disposent de compétences et d’instruments divers pour agir dans cette direction soit sous couvert de l’État, soit en toute autonomie.

À souligner : Au moins 50% des exploitants en agriculture biologique ou durable pratiquent la vente avec un nombre d’intermédiaires réduit, contre 20% chez les conventionnels.

Au niveau régional (Région et État) : le pouvoir d’orientation

En application de la Politique française en faveur de l’agriculture et de l’alimentation (Art. L. 1 c. rur.), la Région et l’État détiennent le pouvoir d’orienter les politiques agro-environnementales.

Le préfet de région (État) et le président du conseil régional élaborent conjointement le plan régional de l'agriculture durable (PRAD) qui constitue la base de la politique d’acquisition et de protection du foncier agricole pour toutes les CT (Art. L. 111-2-1 c. rur.).

C’est aussi au niveau régional qu’est élaboré le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA). Les CT n’ont pas la main sur ce document : c’est l’État (Préfet de Région) qui tranche après avis du Conseil régional (Art. L. 312-1 c. rur.).

  • Le SDREA est l’outil central de la politique du contrôle des structures agricoles. Il sert à hiérarchiser les demandes d’autorisation d’exploiter lors d’une installation ou d’une reprise d’exploitation. Il comprend une série de critères, originellement tous liés à l’installation de jeunes agriculteurs et à la performance économique des exploitations agricoles, qui peuvent désormais répondre à des enjeux environnementaux ou au développement des circuits courts.

À souligner : La lecture des SDREA montre que les motivations environnementales restent pour le moment les parents pauvres du contrôle des structures.

L’action des CT avec l’État

Les CT on aussi les moyens d’intervenir, sous couvert de l’État (Préfecture), en faveur d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement :

  • Consultation des CT lors de l’instauration de zones de protection des aires d'alimentation des captages avant que le Préfet ne prenne un arrêté (L. 1321-2 et suivants CSP; R. 114-1 et suivants c. rur. ; L. 211-3  c. env.).
  • Les collectivités territoriales peuvent également être à l’origine de la création de servitudes d’utilité publique « sur des terrains riverains d'un cours d'eau ou de la dérivation d'un cours d'eau, ou situés dans leur bassin versant, ou dans une zone estuarienne » ( L. 211-12, R. 211-96 à R. 211-106 c. env.). Créées par arrêté préfectoral à la demande de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs groupements, ces servitudes sont destinées à créer des zones de rétention temporaires des eaux de crues ou de ruissellement ; à créer ou restaurer des « zones de mobilité d’un cours d’eau » ; à créer ou restaurer des « zones stratégiques pour la gestion de l’eau » (prévue par le SAGE). Dans cette dernière catégorie, le Préfet peut obliger par arrêté, les propriétaires ou exploitants à s’abstenir de tout acte de nature à nuire à la nature et au rôle ainsi qu’à l’entretien et à la conservation de la zone, notamment le drainage, le remblaiement ou le retournement de prairie. L’instauration de servitudes d’utilité publique donne droit à une indemnisation pour le propriétaire du terrain des zones concernées quand elle crée un préjudice matériel direct et certain. Ces indemnités sont à la charge de la collectivité qui a demandé l’instauration de cette servitude.

À souligner : Sur le fondement de l’Art. 61 de loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, le décret 2020-296 du 23 mars 2020 instaure une procédure d’enquête publique simplifiée ouverte par arrêté du Préfet du département concerné et applicable pour les modifications mineures d’un ou de plusieurs périmètres de protection des captages d’eau potable ou de servitudes afférentes (L. 1321-2-2 du Code de la santé publique).

Les maires peuvent participer à la concertation publique précédant l’adoption des « chartes d’engagement départementales » relatives aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation des produits phytosanitaires à proximité des zones d’habitation (voir L. 253-8-III c. rur.). Le projet de Charte est en effet soumis à concertation publique pour recueillir les observations des riverains, des associations qui les défendent, mais également des maires des communes impactées. Au terme de la concertation, le projet est transmis pour approbation au Préfet de département. Ces chartes s’inscrivent dans un dispositif envisagé par la loi EGALIM (Art. 83) et précisé par le Décret n°2019-1500 du 27 décembre 2019 (Art. D. 253-46-1-2, D253-46-1-3, D253-46-1-4, D253-46-1-5 c. rur.). Elles précisent les mesures de protection des riverains et sont élaborées par les utilisateurs de produits phyto (organisations syndicales agricoles représentatives, chambre d’agriculture). Elles peuvent inclure des techniques de réduction de la dérive ou de l’exposition des riverains permettant ainsi (à l’exception des produits les plus dangereux) de diminuer les distances de sécurité ou bien de s’ajouter à elles.

À souligner : Ces dernières évolutions réglementaires font suite à la multiplication des arrêtés municipaux anti-pesticides initiés notamment par la commune de Langouët (Ille-et-Vilaine). Jusqu’à présent, ces arrêtés municipaux ont quasi-systématiquement été suspendus par la juridiction administrative au motif que seul le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation dispose d’un pouvoir de police administrative environnementale en matière d’interdiction des produits phytosanitaires. Cf. TA Rennes, 27 août 2019, n° 1904033 en référé suspension ; TA Rennes, 24 octobre 2019, Commune de Langouët c/ Préfecture d’Ile et Vilaine. Voir toutefois TA Cergy Pontoise, 25 novembre 2019, n° 1913835 justifiant le pouvoir de police du maire (en l’espèce en milieu urbain) par la préservation de la population d’un danger grave.

 

  • Les CT peuvent aussi agir en matière climatique (engagements concernant l’impact carbone de l’agriculture locale) dans le cadre de leur plan climat-air énergie territorial (PCAET, L. 229-26 c. env.). Ce PCAET n’a pas de portée juridique directe mais peut être un levier pour amorcer ou coordonner des actions locales.
  • Les CT peuvent aussi se donner des engagements en termes d’amélioration des conditions de production agricole dans le cadre de leur Agendas 21 locaux (projets territoriaux de développement durable – L. 110-1 c. env.).
  • Les contrats de transition écologique (CTE, Instruction du Gouvernement du 16 octobre 2019) constituent de nouveaux outils au service des CT (ressemblent aux ex-Contrats de plan Etat-Région). Les CTE sont issus du Plan Climat de juillet 2017 et de la stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable 2015-2020. Depuis 2018 et sur la base du volontariat, les intercommunalités peuvent conclure ces CTE avec l’État et les autres collectivités locales (départements et régions). En contrepartie d’aides financières de l’État et des autres collectivités locales, les intercommunalités volontaires s’engagent, à travers la mise en œuvre de projets locaux, à traduire sur leurs territoires les engagements environnementaux pris par la France à l’échelle internationale (COP 21…). Le CTE fixe un programme d’actions, avec des engagements précis et des objectifs de résultats à atteindre. Les grands axes des CTE fixés par l’État sont : la production d’énergie renouvelable, la préservation des ressources naturelles, la mobilité nouvelle et intelligente, la création de formation nouvelle et attractive. Tout projet visant la promotion d’une alimentation et d’une agriculture durable et locale, notamment un PAT, peut développer des actions éligibles et soutenables au titre du CTE. Les CTE, conclus pour une durée de 3 ou 4 ans, doivent respecter les autres documents de planification contraignants ou non tels que les PCAET et les SRADDET.
  • Les CT peuvent également agir sur la production et la diffusion de produits alimentaires locaux durables avec les établissements publics des parcs naturels nationaux, des parcs naturels régionaux et marins dans lesquels elles siègent, sur la base de la Charte du parc naturel national (L.331-1 c. env.), de la Charte du parc naturel régional (Art. L.333-1 c. env.), ou du Plan de gestion d’un parc naturel marin (Art. L. 334-4 c. env.).
    • Parc naturel national : non seulement les communes concernées participent à la procédure d’approbation ou de révision de la charte du parc naturel national, mais elles font partie du conseil d’administration de ces parcs (L. 331-8 c. env.) et « des conventions d'application de la charte peuvent être signées entre l'établissement public du parc national et chaque collectivité territoriale adhérente pour faciliter la mise en œuvre des orientations et des mesures de protection, de mise en valeur et de développement durable qu'elle prévoit » (Art. L. 331-2 c. env.).
    • Parc naturel régional : le classement et le renouvellement du parc est réalisé par la Région après avis motivé de l’État. Elle élabore le projet de charte « avec l'ensemble des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés, en associant l'État » qui doivent appliquer « les orientations et les mesures de la charte dans l'exercice de leurs compétences sur le territoire du parc » (L. 333-1 c. env.).
    • Parc naturel marin : Le conseil de gestion du parc naturel marin est composé notamment de représentants locaux de l'État et des représentants des collectivités territoriales intéressées (L. 334-4 c. env.).
    • Dans le cadre des parcs, peuvent être développées des marques spécifiques visant à valoriser les produits des parcs : voir par exemple la marque collective au réseau des Parcs régionaux « Valeurs Parc naturel régional, https://www.parcs-naturels-regionaux.fr/les-enjeux/economie/valeurs-parc-naturel-regional/valeurs-parc-naturel-regional-la-marque. Peuvent aussi être soutenus des projets de développement de circuits courts de produits alimentaire ou de pêche. Voir notamment : https://www.espritparcnational.com/ qui soutien la production locale.

L’action indépendante des CT

Les CT peuvent aussi agir indépendamment pour imposer des pratiques respectueuses de l’environnement.

  • Elles peuvent favoriser l’intégration de clauses environnementales dans les baux ruraux portant sur des terres dont elles sont propriétaires (L. 411-27 c. rur.) ;
  • Elles peuvent co-financer des engagements agro-environnementaux et climatiques pris au titre du PDR (PAEC et MAEC associées).
  • Elles peuvent participer indirectement ou directement, via leurs groupements ou leurs sociétés, à un projet pluriannuel labellisé par le préfet de région « groupement d'intérêt économique et environnemental » (GIEE, L. 315-1 et suivants c. rur.).
  • Depuis la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, les collectivités territoriales disposent d’un nouvel outil leur permettant d’agir sur l’impact environnemental des activités agricoles menées sur leur territoire : les obligations réelles environnementales (ORE, L. 132-3 c. env.). Ce dispositif contractuel a pour finalité le maintien, la gestion, la restauration d’éléments de la biodiversité ou de services écosystémiques. Il peut porter sur un bien immobilier (foncier et/ou immeuble porté par le foncier comme les arbres ou les plans d’eau). Il peut ainsi viser la préservation d’espaces naturels, forestiers et agricoles.
    • L’ORE est un acte juridique volontaire qui engage dans la durée (jusqu’à 99 ans) le propriétaire public ou privé d’un bien immobilier, son cocontractant (collectivité locale, établissement public, personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement type association de protection de l’environnement ou Conservatoire des espaces naturels) et les propriétaires ultérieurs. Par ce contrat, le propriétaire décide de mettre en œuvre de manière volontaire des mesures de protection de l’environnement sur son terrain, son bien immobilier. Ces mesures de  protection sont attachées directement au bien, et sont donc pérennes, par-delà les changements de propriétaires du bien (vente, succession).
    • Contrairement aux servitudes classiques, les ORE peuvent comporter des obligations de faire (modes de cultures) comme de ne pas faire (refus des intrants chimiques). Le cocontractant peut notamment s’engager durant toute la durée du contrat (qui peut être renouvelé) à apporter conseil et assistance, verser un soutien financier pour la réalisation du plan d’action, aider à la réalisation de travaux d’aménagement, etc. Le contrat instituant l’ORE doit être établi en la forme authentique et être enregistré au service de la publicité foncière. L’ORE peut donc porter sur des terres agricoles détenues par des collectivités locales ou par une personne privée qui s’engage vis-à-vis d’une collectivité qui lui verse une contrepartie. En vertu du principe général du droit des contrats, tout nouveau contrat doit respecter les contrats préexistants. Il en découle qu’une ORE ne peut être conclue entre le propriétaire de terres agricoles et un tiers garant que si le fermier (locataire) est d’accord. Le fermier doit exprimer son accord ou son refus dans un délai de 2 mois; tout refus doit être motivé. En cas d’absence de réponse dans le délai, la loi considère qu’il y a accord tacite. Si le fermier n’est pas consulté, ou n’a pas donné son accord (écrit ou tacite), le contrat établissant l’ORE sera frappé de nullité.

À souligner : Début 2020, ce dispositif « ORE » reste encore peu usité par les collectivités locales comme par les propriétaires privés. On peut citer l’exemple de la commune de Yenne qui a conclu un contrat ORE avec le Conservatoire d’espaces naturels de Savoie en vue de la protection du site du marais des Lagneux. D’autres projets d’ORE sont à l’étude en Bourgogne et en Aquitaine. En juin 2019, pour la première fois en France, un propriétaire privé de terres agricoles dans le Pays d'Auge Ornais, a engagé pour 50 ans sa propriété de 20 hectares dans un programme de préservation de la biodiversité : préservation des haies et des mares, non-utilisation de pesticides, absence de fauchage et de pâturage d'un coteau calcaire abritant l'Orchis grenouille, une espèce très rare d'orchidée.

Pour aller plus loin, quelques suggestions bibliographiques :

  • Bréger T., Pour une action des collectivités territoriales en faveur de la transition écologique des systèmes alimentaires, Droit rural n° 469, janv.2019, pp. 33-37.
  • Bodiguel L., Réflexions sur la fonction écologique du contrat de bail rural en France, in Di Lauro et G. Strambi (a cura di) Le funzioni sociali dell'agricoltura, in NutriDialogo. Il Diritto incontra le altre Scienze su Agricolatura, Alimentazione e Ambiente, ETS coll. Nutridialogo, 2020, p. 128-137.
  • Bodiguel L., Les clauses environnementales dans le statut du fermage, Semaine Juridique Notariale et Immobilière, 22 juil. 2011, n° 29, étude 1226, 37-48.
  • Bouchard V., « La reconnaissance de l'efficacité des clauses environnementales dans les baux à ferme classiques », Revue de droit rural n° 483, Mai 2020, comm. 89.
  • Grimonprez B., Bail rural et clause environnementale : le passé recomposé, Dictionnaire permanent Entreprise agricole, Bulletin mai 2020, p. 1

Ecosystème graphique

Codes concernés

Code de l’environnement

Code de la santé publique

Code rural

Collectivités compétentes

Communes

Départements

EPCI

Région

Pour aller plus loin

CTE de la communauté d’agglomération de Beauvais : « Vers un système agricole et alimentaire durable »

Depuis de nombreuses années déjà, la Communauté d’Agglomération du Beauvaisis (CAB) a fait le choix d’inscrire le développement durable au rang de ses priorités dans les politiques publiques et les actions qu’elle engage.

Un Arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques prévoit le respect de distances de sécurité entre les lieux traités et les résidences voisines (allant de 5 à 20 mètres).

Arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques et modifiant l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime.

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Fruit d’une démarche volontaire, l’Agenda 21 est un projet territorial de développement durable en accord avec les orientations de la déclaration de Rio de 1992, qui engage la collectivité et constitue une opportunité de mise en cohérence de ses différentes compétences dans le cadre d’une prise en compte globale des grands enjeux sociaux et écologiques.