Fiche juridique

Comment fixer l’usage des terres pour conserver une capacité de production agricole ?

Dispositifs juridiques

Pour conserver une capacité de production de denrées alimentaires, les collectivités territoriales (CT) disposent d’instruments de planification territoriale qui leur permettent de réserver l’usage du foncier à l’activité agricole et de mettre ainsi les terres agricoles à l’abri de l’urbanisation.

L’Etat est le premier artisan de cette planification territoriale puisqu’il élabore des directives territoriales d’aménagement et de développement durables (DTADD, Art. L. 102-4 à L. 102-11 c. urb.). Toutefois, il doit le faire « en association avec la région, le département, les métropoles, les communautés urbaines, les communautés d'agglomération, les communautés de communes compétentes en matière de schéma de cohérence territoriale et les communes non membres d'une de ces communautés qui sont situées dans le périmètre du projet ainsi que les établissements publics mentionnés à l'Art. L. 143-16 et les comités de massifs concernés par le périmètre du projet » (Art. L. 102-4 à L102-11 c. urb.).

➔ À souligner : les DTA ne s’imposent (« ne sont opposables ») aux documents d’urbanisme que si elles contiennent des Projets d’Intérêts Généraux (PIG) mis en œuvre pour la réalisation d’ouvrage, de travaux ou de protection présentant un caractère d’utilité publique qui peut être destiné à la mise en valeur d’un espace naturel ou à l’aménagement agricole. Le territoire concerné doit présenter un enjeu national, ce qui rend cet outil peu utilisable pour la matière qui nous intéresse.

Au niveau local, toutes les collectivités locales sont impliquées dans la planification territoriale :

  • Les Régions pour les SRADDET ;
  • Les Communes et Intercommunalités pour les SCOT et PLU ;
  • Les Départements pour les PEAN ;
  • Les Communes et les Intercommunalités pour les ZAP ;
  • Les Départements avec les CDPENAF.

 

SRADDET

Les régions, collectivités chef de file en matière d’aménagement et de développement durable du territoire, établissent avec les autres CT, un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET, Art. L. 4251-1 CGCT) qui précise les objectifs de moyen et long termes sur le territoire en matière « d’équilibre et d’égalité des territoires d’implantation des différentes structures d’intérêt régional, de désenclavement des territoires ruraux (…) et de gestion économe de l’espace ».

Depuis 2016, ce schéma intègre le schéma régional de cohérence environnemental (SCRE - Art. L. 371-3 et R. 371-25 à 31 c. env.) dont l’objectif est de rendre lisible les enjeux régionaux en matière de biodiversité et de contribuer à un bon état de conservation des habitats naturels et des espaces et au bon état écologique des masses d’eau. Le SCRE se compose notamment d’un diagnostic du territoire régional portant sur la biodiversité et ses interactions avec les activités humaines, d’une identification et localisation des « réservoirs de biodiversité » retenus et les objectifs à atteindre, et d’un plan d’actions stratégiques à mettre en œuvre. Compte tenu, pour certains territoires, de l’étendue des espaces qu’elle occupe, l’activité agricole a naturellement une place de choix dans l’élaboration des SCRE. Aussi parmi les actions stratégiques, certaines peuvent viser directement l’activité agricole sur le territoire.

 

SCoT - PLU

Les communes et les intercommunalités doivent établir des schémas de cohérence territorial (SCoT, Art. L. 141-1 c. urb. et suivants) et des plans locaux d’urbanisme éventuellement intercommunaux (PLU(i), Art. L. 151-1 c. urb. et suivants).

Le rapport de présentation du SCoT comprend notamment une analyse de la consommation des espaces et le projet d’aménagement et de développement durable (PADD, Art. L. 141-1 c. urb. et suivants) du SCoT fixe les objectifs des politiques publiques de protection et mise en valeur et de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Enfin, le document d’orientation et d’objectif du SCoT détermine les espaces à protéger et ceux où l’urbanisation doit être maîtrisée.

Les documents d’urbanisme inférieurs au SCoT doivent être compatibles avec ce dernier (il leur est « opposable »). C’est notamment le cas des PLU(I) qui déterminent au niveau communal ou intercommunal l’affectation des sols et la destination des constructions. Le PLU constitue à la fois un document programmatique et opérationnel puisqu’il délimite les zones agricoles (ZA) et précise les règles de construction qui s’y appliquent (Art. L. 151-11 c. urb. et suivants). En principe, le PLU ne contient pas d’obligation « de faire ». Par conséquent, il ne peut pas imposer des procédés agronomiques spécifiques ou des modalités de commercialisation des produits agricoles. L’Art. L. 101-3 c. urb. rappelle ainsi que la réglementation de l’urbanisme régit l’utilisation qui est faite des sols, en dehors des productions agricoles.

 

PEAN

Le département et les EPCI compétents en matière de SCoT peuvent également établir des périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (PEAN, Art. L. 113-15 c. urb.). Cette protection réglementaire est dotée d’un programme d’actions qui peut être orienté vers l’alimentation locale.

 

ZAP

À l’initiative d’une commune ou d’un EPCI, une zone peut également être classée en zone agricole protégée (ZAP, Art. L. 112-2 c. rur.), servitude d’utilité publique reconnue par le préfet et annexée au PLU(I). La ZAP a vocation à préserver durablement la zone agricole, en préservant l’affectation agricole des sols et en réglementant tout changement d’affectation ou de mode d’occupation via une procédure particulière (avis de la chambre d’agriculture, accord des collectivités concernées et décision du préfet).

 

CDPENAF

Les commissions départementales de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers (CDPENAF, Art. L. 112-1-1 c. rur.) peuvent être consultées sur toute question relative à la réduction des surfaces naturelles, forestières et à vocation ou à usage agricole et sur les moyens de contribuer à la limitation de la consommation des espaces naturels, forestiers et à vocation ou à usage agricole.

 

Politique locale de l'eau

La planification territoriale se décline également au travers d’outils destinés à la protection des eaux dont l’élaboration et la mise en œuvre dépendent de l’action commune de l’Etat et des collectivités locales.

Deux types de documents stratégiques, dont les objectifs principaux s’imposent aux documents d’urbanisme, existent :

 

L’agriculture est directement concernée par ces orientations mises en œuvre notamment par les agences de l’eau et les établissements publics territoriaux de bassin.

La protection de l’eau s’exprime également par un ensemble de zonages justifiés par la politique de l’eau qui affectent le développement de la production agricole. Placés sous l’autorité du préfet, ces dispositifs laissent une grande place aux collectivités territoriales concernées :

  • L’agriculture peut être située sur des zones humides. Elle est alors directement concernée par la politique de préservation et la gestion durable des zones humides (Art. L. 211-1 et L. 211-1-1 d c. env.). À ce titre, différents zonages existent parmi lesquels on peut mentionner les zones humides d’intérêt environnemental particulier (ZHIEP – Art. L. 211-3  c. env.) et les zones stratégiques de gestion de l’eau (ZSGE) qui peuvent être délimitées au sein d’une ZHIEP (Art. L. 211-12 et L. 212-5-1  c. env.).
  • Dans le cadre d’une ZHIEP, le Préfet peut par exemple prévoir des mesures destinées aux propriétaires et exploitants en matière de couverture végétale des sols, de gestion des intrants et des produits phytosanitaires. Il peut aussi instaurer des servitudes d’intérêt public pour restreindre certains usages incompatibles avec la préservation des lieux, notamment la protection de la ressource en eau.

L’agriculture est aussi directement affectée par la reconnaissance d’éventuelles aires d'alimentation des captages d'eau potable nécessaire pour l'approvisionnement actuel ou futur (L. 211-1 et L. 211-3 c. env.) ou à la protection de la santé publique (Art. L.1321-2 CSP).

 

Ecosystème graphique

Codes concernés

Code de l’environnement

Code de l’urbanisme

Code de la santé publique

Code rural

Collectivités territoriales

Collectivités compétentes

Communes

Départements

EPCI

Région

Pour aller plus loin

C. Heinisch & al. « Agriculture et stratégie Trame verte et bleue : élaborer et mettre en œuvre une politique dans les espaces de Rhône-Alpes », Istrea, Sciences Eaux et Territoires, 2018/1, n°25.

Par l’étendue des espaces qu’elle gère, l’agriculture tient une grande place dans l’élaboration de la stratégie trame verte et bleue. La question agricole est cependant délicate à traiter, car pour partager les problèmes et les solutions, il s’agit de passer au-delà des tensions fréquentes entre agriculture et environnement. Cet article retrace la façon dont un accord multi-partenarial s’est construit dans l’ancienne région Rhône-Alpes sur les zones de grandes cultur...